Suzanne a vu le jour le 1er décembre 1928 à Casablanca, dans une famille juive.
Elle était très fière d’être née Banon. Son père Jacob, était le Président de la communauté israélite de Casablanca et a été conseiller des rois Mohammed V et Hassan II.
Sa mère, d’une très grande beauté, était la fille de l’Ambassadeur du Portugal au Maroc. Elle est morte très jeune de la grippe espagnole, Suzanne qui avait alors 15 ans, n’a jamais accepté sa disparition.
Suzanne a vécu dans un environnement privilégié. D’une très grande érudition elle parlait le français mais aussi l’arabe classique et dialectal, « le berbère l’espagnol ». Son père possédait une des bibliothèques les plus riches du pays. C’est là qu’elle puisait une partie de ses connaissances. Elle avait des discussions sans fin de philosophie ou d’histoire des civilisations avec les jeunes.
Elle connaissait toutes les religions et disait : « nous sommes tous pareils ». En ce temps les juifs vivaient en bonne intelligence avec les arabes.
Elle avait été championne d’escrime et avait appris à jouer du piano seule pour faire plaisir à son père et pouvoir lui jouer ses morceaux favoris. Elle se confrontait également à lui aux échecs et gagnait souvent.
Le Maroc, dirigé pendant la guerre par un pétainiste, a appliqué les mêmes mesures anti-juives qu’en France : interdiction de piscines, de cinéma… Sa maison avait été marquée en vue de procéder à la grande rafle, mais deux jours avant qu’elle n’ait lieu, les américains ont débarqué et ont installé une base à Casablanca. Ce qui a sauvé sa famille.
Figure de mode et de liberté, très excentrique, Suzanne jeune a été courtisée par le cinéma. Mais dans un pays méditerranéen où le poids du patriarcat était sans limite, elle n’a pas donné suite. Elle s’est mariée à 21 ans, âge de la majorité de l’époque, avec un homme de 14 ans son aîné qui l’a laissée veuve à 73 ans.
Elle adorait les polars, qu’elle dévorait, pourvu qu’ils soient bien complexes et saignants. Ses enfants l’appelaient « Chouquette » car elle aimait les chouquettes. Sa fille dit d’elle : « Notre mère Suzanne adorait la vie, rire, faire des blagues, ausculter toutes les nouveautés du monde et se lancer des défis ». Elle répétait souvent avec son humour ravageur : « je ne vais pas planter ma tente et attendre… ».
Son empathie envers les autres était sans limite, elle communiquait avec tout le monde quels que soit leur religion, leur position sociale ou leur handicap. Dès qu’elle voyait un malheureux elle se précipitait pour lui faire l’aumône. C’est ainsi qu’elle s’est cassée l’épaule en courant dans le métro après un SDF pour lui donner quelques pièces.
Malgré la maladie qui l’a frappée et les nombreux soucis de santé qui ont suivi, elle venait bridger et parcourait Paris dans tous les sens avec son déambulateur. Fidèle à son club de bridge où elle allait jouer régulièrement, elle s’y était fait de nombreux amis, qu’elle invitait chaque année à son anniversaire, car elle était d’une très grande générosité.
Elle disait d’Edith Zanghi que c’était « sa sœur de cœur », ce qui ne les empêchait pas de se chamailler sans arrêt.
Elle aimait la vie, la célébrer, rire et vivait chaque instant comme s’il était le dernier. C’est la leçon qu’elle nous donne à tous et c’est le secret de sa longévité.
Sa disparition nous rend très triste.
Merci à Anita , sa fille, sans qui ce texte n’aurait pas pu exister.
Edith Goldfarb