Michèle Kersz Zelman

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Michèle et Gaston, son mari

Michèle s’en est allée le 31 juillet dernier. Elle est partie dans son sommeil, paisiblement dans sa 97ème année.

Ses parents juifs polonais, fuyant les pogroms, arrivent à Nancy en 1921. « Mon père était un boute-en-train. Il organisait des bals et des mariages, on chantait et dansait tout le temps. Ma mère avait beaucoup d’humour et restait calme en toutes circonstances ».

Née Rachel Zelman à Nancy en 1928, Michèle est la cinquième et dernière enfant du couple, après Guy, Annette, Charles et Camille.
Chassée par les bombardements, en 1939 la famille part près de Bordeaux, puis arrive à Paris en 1941. Son père exerce le métier de tailleur. 

1942, nouveau départ pour Limoges : les parents se cachent, Guy est aux États Unis, Charles en Angleterre, Camille dans le maquis, Michèle est envoyée en Suisse avec d’autres enfants juifs. 

Sa sœur ainée, Annette, choisit de rester à Paris : étudiante aux Beaux-Arts, elle se fiance avec Jean Jausion, dadaïste avec qui elle fréquente les artistes et intellectuels de Saint-Germain des Prés. Elle est arrêtée le 22 mai 1942 à son domicile, Jean espérant son retour se réfugie auprès de la famille d’Annette à Limoges. A la Libération, il s’engage comme reporter au sein du journal Le Franc-Tireur et meurt lors de combats en Lorraine.

« Huit jours au dépôt, huit jours aux Tourelles, huit jours à Drancy, puis déportée Auschwitz. En trois semaines elle avait disparu ». 

La famille découvrira seulement dans les années 60, qu’Annette a été déportée sur dénonciation du père du fiancé.

A la libération, les Zelman reviennent à Paris et travaillent dans la confection. Michèle prend des cours de dessin et devient styliste. 

« On s’amusait follement ». Au dancing le Rêve, sous le Grand Rex, elle retrouve la jeunesse juive d’après-guerre. Elle y rencontre Gaston, qu’elle épouse à 22 ans en 1950. Ils achètent une boutique dans le Sentier pour y vendre leur fabrication. Ils ont très vite une fille Jocelyne, puis deux jumelles, Laurence et Valérie. Ils s’installent en 1955, 3 square de Clignancourt. Les filles vont à l’école rue Ferdinand Flocon. La mère de Michèle s’installe rue Simart à deux pas du square. Camille habite au 6ème étage du 3 square de Clignancourt et Guy au 28. Le «clan Zelman» achète une maison de campagne à Choisy la Victoire pour y passer leurs week-ends et faire la fête en famille avec parents et amis. Alain Traiman en garde d’excellents souvenirs.

Retraitée en 1990, Michèle prend des cours de restauration de tableaux. Une deuxième vie commence avec Gaston, à collectionner et vendre des œuvres d’art. Elle joue au bridge, suit des cours de cuisine, cultive des amitiés dans tout le monde.

Habitant dans le 18ème, elle aime l’atmosphère de son quartier, sa diversité, ses marchés. « Je peux me promener à Barbès, je fais un petit tour en Afrique. A Marx Dormoy, j’aime beaucoup aller manger chez les Chinois ».

Son insatiable goût des autres, quels que soient leur âge, leur origine, leur activité en a fait un élément fédérateur de l’immeuble où elle a vécu plus de 60 ans. « Mes voisins sont formidables ». 

Le destin tragique de sa sœur ainée a marqué toute sa vie : elle a relu des centaines de lettres, retrouvé des documents historiques, témoigné dans un documentaire et s’est attelée au tournage d’un film et à une exposition mêlant archives, photos, lettres et témoignages.

Le film : « L’Histoire d’Annette Zelman », diffusé le 25 janvier 2023 sur France 2, est raconté en voix off par Michèle, âgée de 15 ans au moment de l’arrestation de sa sœur Annette. 

L’exposition : « La Disparition. Annette Zelman, été 1942 » s’est tenue à la mairie du 10ème au printemps 2024, grâce au vaste travail photographique de Jacques Sierpinski. 

Michèle, était une femme exceptionnelle, animée d’un inextinguible désir de transmettre jusque à la fin de sa vie. Elle a su créer au travers de « l’histoire d’Annette Zelman », un pont entre le passé et le présent, entre la fiction et le témoignage authentique.

Ils témoignent :

Alain Traiman

« Michèle m’a vu naître en 47. En effet nos deux familles étaient très liées, mon père était l’associé de Guy Zelman, frère de Michèle, dans une affaire de confection pour femmes créée fin 1945. 

Quelques années plus tard, j’ai aidé Laurence une des jumelles de Michèle, passionnée de cuisine et de pâtisserie, à rédiger plusieurs recettes de pâtisserie d’Europe Centrale pour son livre « La cuisine de nos grands-mères juives polonaises ».

Pendant toutes ces années, nos familles ont partagé beaucoup de joies et de peines. » 

Pierre Zimmer

«  Quand j’ai regardé le film « L’histoire d’Annette Zelman », j’ai découvert que Michèle Kersz, membre de notre club de bridge, était la petite sœur d’Annette et de ses frères Charles, Camille et Guy, des amis à moi de longue date. 

Ainsi, une fois que nous nous sommes reconnus, nous avons entretenu bien sûr une relation privilégiée. Mais, qui d’entre nous n’a pas entretenu une relation privilégiée avec notre bien-aimée Michèle ? 

Sache Michèle que là où tu es, tu resteras toujours dans nos cœurs. »

Elisabeth Levi Mazloum

«  J’ai rencontré Michèle au BC9 il y a une dizaine d’années mais j’ai l’impression de l’avoir toujours connue. Nous avions beaucoup de passions en commun : l’art, la musique entre autres qui ont été à l’origine de tant bons souvenirs.

Elle avait une personnalité hors du commun, toujours partante, d’une vitalité incroyable jusqu’à la fin de sa vie.

Ainsi quelques semaines avant son décès, elle était montée sur la scène du Cinéma « Le Passy » où était projeté le film sur sa sœur « L‘histoire d’Annette Zelman » en présence du metteur en scène, et elle avait répondu à toutes les questions des spectateurs.

Michèle, ta joie de vivre, ton sourire, ton humour vont beaucoup me manquer. »